Gilets Jaunes : rétrospective d'une révolution française 2.0
Héritière des mouvements sociaux, la France, pays des multiples réformes crie sa colère depuis plus de trois quinquennats. En 2018, les français ont décidé de s’unifier sous un même gilet afin de clamer haut et fort leurs mécontentements aux réformes qui touchent les travailleurs depuis des années.
En octobre 2018 le prix du gas-oil était en forte hausse et a commencé à susciter une grogne générale dans tout le pays. Très vite, l’idée d’une mobilisation nationale le 17 novembre s’est imposée. Le mouvement des gilets jaunes est né à la suite d’une vague de contestations de la part des français. Le 17 novembre 2019, les gilets fluos ont célébré leur premier anniversaire sous un 53 ème acte marqué par de nombreuses violences policières. Un an de tensions, de luttes sociales, de violences et de revendications qui on affecté la France et sa population. Mais pour quelles conclusions ?
Un mouvement historique
Voilà un moment qu’un mouvement social n’avait pas inquiété le Gouvernement. Celui des Gilets Jaunes, son ampleur, sa durée et sa détermination a surpris. Ce mouvement est le fruit d’un signe de ralliement pour exprimer sa colère, et résoudre une crise sociale qui impacte la majorité des français aujourd’hui. Créé en novembre 2018, le mouvement émerge plusieurs mois plus tôt sous différents noms avant de trouver une unification sous le même gilet.
Le 12 janvier 2018 la révolte française naît avec la création du groupe Facebook ” Vous en avez marre ? C’est maintenant”. Ce mouvement intitulé „colère” appel à manifester le 27 janvier contre la nouvelle limitation de vitesse à 80 km/h. Ils protestent également contre la vie chère, la hausse de la CSG (Contribution Sociale Généralisée – prélèvement obligatoire sur les salaires afin de financer la sécurité sociale et l’assurance chômage) et les taxes liées à l’automobile. Les premiers blocages se créaient, notamment dans le Périgueux, avec la mise en place d’opérations „escargot” sur des axes routiers ainsi que le blocage de la circulation des ronds points. Les barrages se développent dans plusieurs autres grandes villes de France. Mais le mouvement s’essouffle suite à l’emprisonnement (dû à un problème vieux de cinq ans) de la personne en charge de l’opération.
En mai 2018, la pétition nommée „Pour une baisse des prix du carburant à la pompe” relancera la colère des français. Cette pétition dénonce l’augmentation continuelle du prix du carburant devenant un budget mensuel exorbitant pour chaque ménage. Le carburant étant une dépense obligatoire dû à l’impossibilité de se déplacer autre qu’en voiture dans les zones rurales ou dans les banlieues (manque de transports en commun). De plus, cette dépense obligatoire s’ajoute à toutes les autres essentielles et contraintes (loyer, impôts, déplacements…), empiétant de plus en plus sur le pouvoir d’achat des plus modestes. Tandis que les plus „aisés” continuent à être favorisés avec la suppression de l’ISF (Impôt sur la Fortune).
Quelques mois plus tard, Jacqueline Mouraud, encore inconnue du grand public, publie une vidéo qui recueille plus de huit millions de vues. Elle interroge le président par une question que tout français se pose „Mais où va le pognon ?”. Mme Mouraud parle au nom de tous, du ras le bol général concernant la hausse du prix des carburants, des péages à l’entrée des grandes villes, de la multiplication des radars sur les axes routiers. Ainsi que de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Puis s’en suit l’appel à manifester et au blocage le 17 novembre. Le symbole des gilets jaunes (gilet obligatoire dans tous les véhicules) apparaît comme signe de ralliement.
Le mouvement est sans structuration hiérarchique. Il ne se dit pas politique, ni associatif. Les gilets jaunes, sans leader ni porte parole, ne pensaient pas que ce mouvement prendrait une telle ampleur.
Les gilets fluos ont fait de leur lutte un mouvement inédit sous la Vè République. Les moyens utilisés sont originaux, tels que le blocage de ronds points, ou d’axes routiers largement utilisés tant en région qu’en centre-ville. Ces rassemblements de nature pacifique ont prit de court les syndicats ainsi que les autorités, menant à des blocages parfois entachés d’accidents mortels. En effet, dès la première semaine de manifestations, les mobilisations contre la hausse des prix du carburant et les taxes ont fait quelques 530 blessés, dont 17 graves et deux morts.
Chaque samedis, les manifestations ont prit de l’ampleur amenant avec elles une montée des violences entre manifestants et policiers. Les dégradations commises autour et à l’intérieur de l’Arc de Triomphe, ainsi que les affrontements en face à face sur les Champs Elysées resteront dans les mémoires.
Ces excès d’agressivité ont été soulignés par l’association Amnesty International qui critique une conduite inadaptée de la part des forces de l’ordre. Mais également par l’ONU et le Conseil Européen qui s’interrogent sur l’utilisation d’arme LBD (Lanceur de Balle de Défense) et les grenades à désencerclement par les forces de l’ordre.
L'île de la Réunion
Dès le début du mouvement fluo, plusieurs villes réunionnaises ont été le théâtre de pillages et diverses violences urbaines. Rassemblements et manifestations ont eu lieu le jour, notamment à St-Denis, alors qu’à la nuit tombée, les émeutes commençaient. Le ministre de l’Intérieur, Christopher Castaner, instaure un couvre feu partiel de cinq jours suite à ces nombreuses violences. Des dizaines de barrages étaient bâtis afin de paralyser l’île pour dénoncer la vie chère.
Des réactions gouvernementales insatisfaisantes
Début novembre 2018, le Gouvernement affirme ne pas vouloir revenir sur la hausse prévue des taxes sur les carburants. L’augmentation du prix de l’essence est maintenue et devrait être augmentée chaque année jusqu’à la fin du quinquennat. Cependant, une aide supplémentaire de 500 millions d’euros est allouée pour le remplacement des véhicules polluant et les chaudières au fioul. Néanmoins, cela n’empêchera pas la manifestation du 17 novembre d’avoir lieu.
En décembre, après une fronde inédite et des affrontements de hautes guérillas le 1er décembre (Arc de Triomphe), Edouard Philippe, Premier Ministre, annonce un délai de six mois sur la hausse de la taxe carbone. Un gel de la hausse du gaz et de l’électricité a également été prévu pour l’hiver 2018, ainsi que l’arrêt du durcissement du contrôle technique avant l’été.
Les mesures prévues par le Gouvernement français ne se sont pas arrêtés là, afin de satisfaire le peuple et de mettre un terme à la colère française. En effet, en décembre 2018, le Gouvernement a annoncé une hausse de 100 euros par mois pour les salariés au SMIC, sans qu’il n’en coûte un sous pour l’employeur. Cette hausse passant par l’augmentation de la prime d’activité ne concerne malheureusement pas l’ensemble des salariés au SMIC. Mais les foyers éligibles passeront de 3,8 millions à 5 millions (cette prime tient compte de l’ensemble des revenus du ménage).
Emmanuel Macron a également invité les employeurs à verser une prime de fin d’année s’ils le peuvent à leurs travailleurs. Cette prime octroyée aux salariés gagnant moins de 3.600 euros par mois a été défiscalisée.
Autre mesure concernant les salariés, les heures supplémentaires ont été versées sans impôts ni charges à compter du 1er janvier 2019.
Les retraités gagnant moins de 2.000 euros par mois ont vu la hausse de la CSG annuler en fin d’année 2018. Cela a concerné 3.7 millions de retraités.
Finalement, l’augmentation de la taxe carbone, prémisse de la colère française a définitivement été annulée.
L'annonce d'un Grand Débat
Pour répondre à la colère des Gilets Jaunes, le Gouvernement a proposé dès le 15 janvier, un Grand Débat national. Pendant deux mois, des millions de français ont pu échanger autour de 35 questions sur quatre grands thèmes choisis par l’exécutif :
– La fiscalité et les dépenses publiques
– La transition écologique
– Démocratie et citoyenneté
– Organisation de l’Etat et des Services publiques.
L’organisation de ce Grand Débat, qui a coûté 12 milliards d’euros, fut organisé sous forme de réunions locales, de contributions en ligne, des conférences citoyennes régionales, ainsi que la mise en place de stands de proximité dans des lieux publics pour laisser la liberté à chacun de donner son avis.
Le tout fut organisé par un groupe de cinq personnes issues de milieux ordinaires et divers afin de garantir l’indépendance des discussions.
Mais ce Grand Débat, à peine lancé, a de suite été rejeté. Certains ont jugé qu’il ne représentait pas le peuple, d’autres ont accusé le président de vouloir gagner du temps. Malgré tout, il fut une réussite pour le Gouvernement avec 10.134 réunions et plus de 1.9 millions de contributions sur le site dédié.
Une première phase
Ce Grand Débat a débuté avec les „interventions marathons” d’Emmanuel Macron, se déplaçant de ville en ville dans 13 régions métropolitaines ou d’Outre-mer, à la rencontre des maires, des jeunes, des gilets jaunes, ou de simples citoyens.
Durant ces séances avec le président, les français ont débattu autour de la santé, de l’éducation, du pouvoir d’achat, de la culture, qui ne figurait pas dans les grands thèmes choisis par l’exécutif mais souvent abordée. Ils ont également pu discuter concernant la fiscalité – le pouvoir d’achat, la retraite, la CSG, la baisse des taxes – et de la transition écologique.
D’autres sujets furent abordés mais encore peu regardés, tels que la reconnaissance du vote blanc, le rétablissement de l’ISF, la lutte contre les inégalités sociales ou encore, les déserts médicaux.
Malheureusement pour les gilets jaunes, le référendum populaire ou le référendum d’initiative citoyenne n’a mobilisé que peux de participants et a totalement été écarté des revendications écoutées par M.Macron.
Une seconde phase
Les contributions au Grand Débat en ligne ont été traitées par des sociétés d’études et de sondage OpinionWay, par la bibliothèque Nationale de France et par la société de conseils Roland Berger. Toutes les contributions collectives et individuelles sont disponibles en OpenData dans le respect des données personnelles. Une synthèse des données enregistrées a été présentée par Edouard Philippe lors d’une conférence dédiée.
Les réunions locales se sont terminées le 18 mars mais n’ont pas mis fin au Grand Débat. En effet, celui-ci a été organisé de manière différente, sous forme de conférences régionales avec des citoyens tirés au sort. Les jeunes n’ont pas été délaissés, des conférences leurs étant dédiées furent organisées.
Le Grand Débat a été clôturé à la mi-avril par Emmanuel Macron, lors d’une allocution télévisée dans le but de donner les grands axes à suivre et définir les mesures pour sortir de la „crise” des gilets jaunes. M.Macron a rejeté l’idée d’un référendum d’initiative citoyenne mais il souhaite simplifier les règles du référendum d’initiative partagé existant depuis 2008. Cent cinquante citoyens ont été tirés au sort en juin afin de constituer un conseil de participation citoyenne pour mieux représenter la société civile.
Le président français a annoncé plusieurs mesures favorisant les retraités ainsi que les secteurs publics comme les écoles et les hôpitaux, et se dit prêt à annuler la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. Des dispositions fiscales ont également été présentées concernant des primes allouées aux salariés.
Macron s’est exprimé sur plusieurs sujets de grande ampleur, qui ont agité l’hexagone cette année. Il a affirmé avoir beaucoup appris du Grand Débat. Il a notamment reconnu que certains pouvaient ressentir un „sentiment d’abandon”.
Le "Vrai débat", la contre-attaque
En parallèle, pour contrer la création d’un débat organisé par le gouvernement, les gilets jaunes eux-même ont développé leur idée de grand débat. Cette initiative a vu le jour à la Réunion en novembre 2018. A l’initiative, un collectif de Gilets Jaunes a ouvert une plateforme destinée à collecter et synthétiser les revendications des citoyens-nes réunionnais-es. Après s’être développé dans plusieurs régions de France, un autre collectif de gilets jaunes se forme afin de créer le „Vrai débat”.
Sur le site internet, le „Vrai débat” a mis à disposition un outil de débat public, permettant aux citoyens de définir les thèmes qu’ils souhaitent défendre. Leur but est de tenir des Assemblées citoyennes délibératives partout en France afin de travailler à la construction et l’élaboration de lois et également si possible, de propositions citoyennes de loi.
L’objectif est de rassembler et de fédérer l’ensemble de la population française, d’offrir une voix forte de propositions à tout le monde. Des réunions collaboratives sont donc organisées aux quatre coins de la France pour délibérer, discuter sur différents thèmes.
Le mouvement aujourd'hui
Les Gilets jaunes ont peiné à mobiliser ces derniers mois. Le mouvement s’est essoufflé dû à sa longévité et aux nombreuses violences émanant des manifestations. Mais pour leur premier anniversaire, ils ont rassemblé 28.000 personnes dans toute la France, dont 4.700 à Paris (selon le Ministère de l’Intérieur mais environs 40.000 selon le mouvement). Loin des 200.000 personnes réunies lors de leurs premiers rassemblements en novembre 2018. Ces manifestations se sont déroulées sans incidents en province, mais ont été marqués par de nombreuses violences à Paris.
Les plaintes contre les violences policières se sont multipliées et des dossiers commencent à être traités devant la justice. En novembre 2019, trois mois de prison avec sursis ont été requis contre un policier jugé pour violences après avoir jeté un pavé sur des manifestants le 1er mai 2019.
Toutes ces violences durant cette année de Gilets Jaunes, ont eu un impact sur le Gouvernement et le pays. L’Arc de Triomphe ainsi que les Champs Elysées, emblèmes du pays, ont été saccagés lors des samedis noirs. Cela aura conduit au limogeage du Préfet de Paris, Michel Delpuech, lors de l’acte XVIII, et l’affaire Benalla.
Malgré les 17 milliards d’euros alloués pour les revendications Gilets Jaunes en novembre 2018, Macron est fixé, le mouvement existe toujours. Les Gilets Jaunes ont crié leur mécontentement le samedi 16 novembre 2019, de na pas avoir été écoutés depuis un an. Début décembre, le mouvement a reprit du souffle avec une convergence des luttes émanant principalement d’une nouvelle réforme des retraites. Cette mobilisation contre la nouvelle réforme fût une justification pour que l’ensemble des français se mobilise. Etudiants, pompiers, ambulanciers, gilets jaunes, retraités.. Tous ont manifesté aux quatre coins de l’hexagone.
Les Français ne cesseront d’exprimer leur colère quelque soit les décisions prisent par le Gouvernement. L’octroie de 17 milliards d’euros de baisse d’impôts et de hausses des prestations n’ont pas suffit à éteindre le feu. Qu’en sera t-il à propos de la mise en place de cette réforme des retraites prévue pour l’été 2020. De plus, suite aux suicides de plusieurs étudiant dû à la précarités de leur vie étudiante, plus, le manque de moyens dans les hôpitaux et l’ensemble des services publics, les revendications se poursuivront pour l’obtention d’une meilleure qualité de vie.
Pour comprendre le mouvement en quelques minutes
Références :
- Dossier de podcast retraçant l’année des Gilets Jaunes :
– https://www.franceculture.fr/dossiers/colere-jaune - Un an de Gilets Jaunes, comprendre le mouvement :
– https://www.contrepoints.org/2019/11/19/358079-un-an-de-gilets-jaunes-mais-que-sont-les-elans-de-liberte-devenus
– https://www.liberation.fr/apps/2018/12/gilets-jaunes-les-dates-cles/
– https://www.1jour1actu.com/france/5-questions-pour-comprendre-la-manifestation-des-gilets-jaunes-88933/ - Début du mouvement :
– https://www.liberation.fr/france/2018/11/18/gilets-jaunes-l-executif-cherche-la-bretelle-de-sortie_1692884
– https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/11/18/gilets-jaunes-un-bilan-securitaire-tres-contraste_5385282_3224.html
– https://www.lemonde.fr/economie-francaise/video/2018/11/17/blocage-du-17-novembre-3-questions-autour-de-la-hausse-des-prix-du-carburant_5384801_1656968.html
– https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/16/gilets-jaunes-ce-n-est-pas-la-taxe-carbone-qu-il-faut-blamer-plutot-l-usage-de-son-revenu_5384644_3232.html
– https://www.bienpublic.com/social/2019/01/08/les-gilets-jaunes-sont-restes-mobilises - Grand débat :
– https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/gilets-jaunes-le-grand-debat-national-347046
– https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/17/tout-savoir-sur-le-grand-debat-national
– https://www.bfmtv.com/politique/apres-les-gilets-jaunes-et-le-grand-debat-macron-veut-acter-sa-reconciliation-avec-les-maires-1807859.html
– https://information.tv5monde.com/info/grand-debat-national-quelles-reponses-d-emmanuel-macron-297013
– https://www.le-vrai-debat.fr/ - Mesures prises par le Gouvernement :
– https://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/ce-qu-il-faut-retenir-des-annonces-d-emmanuel-macron-20190425
– https://www.bfmtv.com/politique/apres-les-gilets-jaunes-et-le-grand-debat-macron-veut-acter-sa-reconciliation-avec-les-maires-1807859.html
– https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/carburants-fioul-voitures-polluantes-les-aides-annoncees-par-le-gouvernement-147446 - L’île de la Réunion :
– https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/11/19/01016-20181119ARTFIG00226-la-reunion-les-gilets-jaunes-remplaces-par-des-casseurs-les-autorites-depassees.php
– https://www.lepoint.fr/societe/gilets-jaunes-la-reunion-secouee-par-une-flambee-de-violences-20-11-2018-2272904_23.php
– https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/an-apres-mouvement-gilets-jaunes-veulent-mobiliser-reunion-770459.html - Premier anniversaire :
– https://www.20minutes.fr/societe/2652983-20191116-gilets-jaunes-premier-anniversaire-marque-flambee-violences-paris
– https://www.lepoint.fr/societe/les-gilets-jaunes-tentent-un-retour-aux-sources-pour-leur-anniversaire-16-11-2019-2347764_23.php